Basilic Bot

L'assistant agile du designer industriel

Design d'objet et Open Source

En même temps que le design investit les strates manageuriales de l’entreprise -la stratégie , les RH,  l’ingénierie, …- il tend aussi dans les contextes agiles à s’incorporer aux opérations de production (design ops). Dans le design d’interaction, cette réalité se traduit par l’apparition de nouveaux outils pour la coopération et la gestion du workflow. Et malgré l’agilification de la chaîne industrielle, certaines innovations méthodologiques ou servicielles, liées à l’ouverture des modèles, n’ont pas la même portée dans le design industriel.

1926, Bauhaus. Femme portant un masque theatral de Oskar Schlemmer assise sur la Chasie B3 de Marcel Breuer. Photo: Erich Consemüller. Bauhaus-Archiv Berlin / © Dr. Stephan Consemüller
COntexte

Protection

La culture du design d’objet est doublement marquée par la protection intellectuelle: en tant que spécialité industrielle, et comme héritière des Arts Décoratifs (Arts Nouveaux, Bauhaus, Art&craft, etc…).  Bien que la design soit généralement une affaire de coopération, les designers restent attachés, culturellement, à la logique de droits exclusifs. Il y a peu d’exemples d’utilisation industrielle des formats « ouverts ». On peut citer la communauté des makers et de l’open source hardware, mais l’echelle reste expérimentale.

Recherche eet apprentissage

Un git du projet design

Pourtant, l’Open Source et le travail au sein de communs pourrait présenter des avantages pour les designers, en terme économique et d’autonomie (voir le cas sur l’exploration OpenLifeLab). De plus en plus souvent les designers se regroupent en collectifs ou en coopératives, qui fonctionnent précisemment comme des communs et préfigurent une autre manière de créer, à plusieurs. Mais tandis que de nombreux outils et méthodes sont à disposition des designers et des ingénieurs dans les domaines digitaux, comme le célèbre logiciel de gestion de versions Git (lui-même open source), les praticiens de la création du monde physique n’en bénéficient que peu. 

Avec le Martin de Boissieu, designer produit, nous nous sommes attelés à imaginer un outil pour aider les concepteurs à tirer partie des potencialités de la création en sources ouvertes. Nous l’avons baptisé Basilic App et nous sommes appuyés sur les apprentissages de l’exploration OpenLifeLab, sur mon expérience dans le champ digital, où l’open source est omniprésent. Trois constats ont guidés notre démarche.

en haut, 1955, H. Dreyfuss, designer industriel et auteur de "Designing for People"
en bas, 2013, travail préparatoire par Mattew Choto (coroflot.com)

Le logiciel, une aide individuelle à la "création assisté par ordinateur" (CAO)

Ajouter un outil applicatif à visée structurante dans l’écosystème des designers n’est pas chose simple. Cette profession utilise les ordinateurs depuis qu’il est possible de le faire ou presque; mais un « logiciel de design », symboliquement, c’est d’abord un logiciel de modélisation en 3D (il en existe plus de 60 sur le marché).

La place du savoir-faire et celle du savoir-être

Tel un  sillon profond tracé dans la culture des praticiens, la symbolique de la collaboration relève de l’éthos. Elle n’est pas documentée dans le projet et ses traces sont comme effacées. C’est une bonne recette ou un rituel – le terme « gouroutisation » est même employé, à plusieurs reprises, par le célêbre designer Patrick Jouin dans une conférence. Livrer sa recette, ce n’est pas offrir de l’agilité, c’est lever un secret.

L'esquisse et la note, manuelles, expression et preuve de la création

Le design est un domaine de recherche-création, où les idées sont encore souvent croquées et annotées manuellement. Opération générative, la note manuelle est plus qu’un moyen d’expression. En tant qu’artefact, c’est une manifestation de l’acte de création par son auteur. Elle peut prouver juridiquement l’antériorité et la singularité d’une idée. 

Comment faciliter l'accès des designers industriels aux bénéfices du design agile et collaboratif, sans perturber le processus de création, et sans dégrader la faculté de protection du travail d'auteur?

recherche et apprentissage

Un interêt... prudent!

Les phases de recherche et d’idéation nous ont permis de comprendre les conditions de succès -ou de rejet- d’un outil nouveau qui s’intègrerait dans le processus design. Le challenge autour des modalités d’interaction, qui nous semblait être prépondérant par hypothèse, cachait en réalité un enchevêtrement de problèmes, d’ordre pratiques ou symboliques, impactant l’acceptation. Les designers à qui nous avons parlé ont souvent exprimé un intérêt pour les formats ouverts et les procédures agiles, mais ont généralement marqué leur scepticisme au sujet de l’autonomie.  La perte de contrôle ne pouvait, dans leur idée, qu’engendrer de la destruction de valeur pour les créateurs et les studios, même si le producteur pouvait à court terme comprendre son intérêt (effondrement des coûts de transactions, opportunités pour les entreprises spécialisées,…).

Recherche et apprentissage

Règles de conception

Ce constat nous ont permis de poser des règles de design:

– Les points de contact devaient être réduits au strict nécessaire.

-les fonctionnalités devaient être implémentables par petites doses et très adaptatives (logique de la toolbox).

-La courbe d’adoption devait être douce, avec un accent mis sur l’objectivation des taches et le relevé des micro-succès.

Le champ d’action de l’application Basilic devait se cantonner à « l’orchestration » (protection et gestion des actifs créatifs, communication avec les co-créateurs et les parti prenantes). 

« Grand livre » du projet design, il devait veiller à ne jamais interférer avec les actions de recherche-création, ni à les contraindre directement ou incidieusement.

-Afin de prévenir les collisions possibles entre une démarche foncièrement adaptative et un outil de guidage potentiellement rigide, tout effet de dépendance devait être repéré et neutralisé. Selon la fameuse loi de Postel, notre outils devait être « libéral dans ce qu’il accepte, et conservateur dans ce qu’il restitue ».

Après de premières reflexions sur un gestionnaire d’objets conceptuels, nous avons décidé de nous concentrer sur un assistant type agent conversationnel. Notre prototype de démarage a donc été un chat bot: BasilicBot.

 

Solution

Augmenter la portée, pas la charge cognitive.

Basilic se présente comme un outils d’aide, d’assistance, dans la gestion des procédures en design Industriel. Il aide le designer à organiser la protection (notamment à consigner ses actifs et à les horodater,  à attribuer les droits d’usage, ) et l’ouverture des sources, à anticiper l’archéologie des notes, et à déployer des phases d’échanges avec une communauté.

C’est une sorte de consigne qui archive et restitue des informations hétéroclites (notes, croquis, liens, photos, plans, mémo vocal, données chiffrées, actifs créatifs…) en fonction des besoins du projet. Pour celà il intéragit avec le ou les designers via un agent conversationnel, un chatBot, potentiellement un assistant vocal dans une version plus avancée. 

L’avantage de l’agent conversationnel, c’est qu’il nécessite peut d’engageement à l’utilisateur, qui peut garder son attention sur son travail. La charge d’organisation et de ciblage revient au système, contrairement à une interface classique, qui mobiliserait des facultés cognitives pour manipuler des objets conceptuels dans un espace virtuel. 

Cet aspect est important, car le temps du designer les taches de gestion sont souvent des perturbations.  Son activité courante c’est la recherche-création. Il passe le plus clair de son temps dans les méandres complexes de son projet. Ainsi, les taches impromptues d’organisation ou de communication, hors des phases dédiées (ateliers, réunions,…), sontparfois vécues comme un parasitage cognitif. BasilicBot, lui, a le souci de se faire discret.

La conception de notre agent conversationnel s’est donc focalisée sur l’identification contextuelle des besoins, en plaçant comme critère de performance la légereté et la furtivité des points de contacts entre le designer et le service. 

Feedback

Au delà d'un produit, un projet difficile à conduire.

Nous ne sommes pas parvenus à développer l’entreprise, et Basilic est resté au stade de l’étude et du prototype. D’emblée, il nous a été difficile de cantonner le métier de BasilicBot et cela nous a conduit à disperser notre petit capital de temps et d’argent. Une démarche type lean startup aurait sans doute augmenté nos chances de succès – ce fut pour moi un apprentissage par le feu! 

Cette aventure nous a cependant beaucoup enrichi. Elle m’a montré « l’autre côté de la barrière ». En outre, notre difficulté à trouver des « bords » sur lesquels appuyer notre démarche pour la focaliser n’était pas liée à l’absence de besoins. L’open source des objets est une piste à continuer d’explorer dans un contexte européen de « ré-industrialisation », qui ne se fera pas sur le modèle de l’usine du 19eme siècle, mais sans doute sur celui de la production digitale. 

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